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jeudi 19 janvier 2017

Territoriale : les agents mobilisés contre ces réformes qui broient les acquis

Les employés de la ville d’Aulnay-sous-Bois (93) manifestaient le 12 janvier 2017.


L’année 2017 pourrait s’avérer mouvementée pour les personnels de la fonction publique territoriale. La mise en œuvre de la réforme territoriale notamment au plan des intercommunalités se poursuit. Le nouveau régime indemnitaire RIFSEEP contesté par les agents est en vigueur depuis le 1er janvier. Ces deux réformes s’appliquent sur fond de nouvelle diminution des dotations versées par l’État aux collectivités locales. Impactés par ces réformes, les agents FO se rebiffent. Dans l’Ain, les personnels du Conseil départemental seront en grève le 20 janvier. A Aulnay-sous-Bois près de Paris, les agents multiplient les grèves et les rassemblements depuis décembre. En Franche Comté, FO organise des réunions. Objectif : informer, enfin, les agents des intercommunalités.

C’est encore le grand chamboulement au sein des collectivités territoriales. Après la réforme qui en 2016 a retracé la carte régionale en créant treize régions contre vingt-deux auparavant, la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République et modifiant les compétences des collectivités est elle aussi en action. Cette loi vise notamment à « renforcer » les intercommunalités. Sauf dérogations, celles-ci doivent passer de 5 000 à 15 000 habitants.

Cette nouvelle métamorphose, en vigueur depuis ce 1er janvier, a-t-elle des incidences sur les conditions de travail des agents ? Oui ainsi que le craignait FO. A titre d’exemple, le cas de la Franche-Comté. Les fusions entre entités communales et intercommunales sont actées de même que les fusions entre certains services des groupements de communes indique Rachel Messousse, secrétaire régionale FO des territoriaux de Franche-Comté. Bilan de ce redécoupage créant des intercommunalités géantes ? Beaucoup d’agents connaissent des changements d’affectations. Et ce n’est pas là le seul problème.

Lors d’un comité technique, FO avait voté contre les transfert de personnels d’une collectivité à une autre. Rachel Messousse elle-même a été rattachée à trois collectivités différentes au cours des deux dernières années. Ces changements de rattachements ne sont pas qu’administratifs. Certains agents travaillent désormais à 20km de chez eux. Or il n’y a eu aucune négociation avec les élus concernant une compensation à cet éloignement.

Le recul des acquis

Autre problème ? Dans certaines intercommunalités il n’y a pas de renouvellement des contrats CDD. Dans le Doubs par exemple, la dizaine de contrats CDD a disparu. Les agents titulaires sont inquiets. Ils craignent que les mutualisations de services induisent ensuite des suppressions de postes explique-t-elle.

Ce redécoupage intercommunal rime aussi pour les agents avec un recul des jours de RTT. Jusqu’à douze jours perdus pour certains. Dans le cadre de cette réforme 60% à 70% des agents ont vu la durée de temps de travail diminuer. Elle passe de 35h à 30 heures par semaine et cela bien sûr est assorti d’une diminution du salaire relève encore Rachel Messousse. Certains agents ont subi une perte de 100 à 200 euros sur leur salaire.

La réforme territoriale est-elle la seule raison à ces dégradations des conditions de travail et à ces pertes d’acquis ? Non. Deux autres paramètres pèsent sur les difficultés vécues actuellement par les agents territoriaux : la mise en place du régime indemnitaire RIFSEEP et la nouvelle diminution des dotations versées par l’État aux collectivités (dans le cadre de l’effort des collectivités au Pacte de stabilité). En apparence, ces paramètres n’ont aucun lien entre eux. En réalité, le paramètre recul des dotations influence considérablement les élus qui n’hésitent pas à imposer aux agents une baisse de la qualité du régime indemnitaire, cela dans le cadre du RIFSEEP.

Un RIFSEEP à la carte

Ce Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions, des Sujétions, de l’Expertise et de l’Engagement Professionnelremplace les autres régimes en vigueur dans la fonction publique d’État et la territoriale depuis le 1er janvier 2017. Le RIFSEEP est contesté par les fonctionnaires FO, opposés à cette individualisation nouvelle de la rémunération des agents. Articulé par la notion de « fonction exercée », le RIFSEEP détériore le principe de carrière en déconnectant le grade de l’agent du montant et du niveau de la prime souligne FO. Ce nouveau système qui remplace notamment la PFR (la prime de fonction et de résultats) prétend toutefois harmoniser, simplifier et rationaliser le paysage indemnitaire.

Le RIFSEEP est composé d’une partie fixe, l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) versée chaque mois et basée sur les fonctions exercées par l’agent. Une autre partie compose le RIFSEEP mais de manière facultative. Il s’agit du Complément indemnitaire annuel (CIA) sensé mesurer l’engagement professionnel, soit le mérite de l’agent.

Pour son arrivée sur le terrain territorial, le RIPSEEP fait déjà parler de lui. En mal. Ainsi en Franche Comté indique Rachel Messousse le RIFSEEP se met en place de manière différente selon les collectivités. Dans certaines il comporte les parties IFSE et CIA, dans d’autres, seulement la partie IFSE. Les modalités de mise en place du RIFSEEP laissent à désirer.

J’ai constaté par exemple qu’une intercommunalité avait oublié d’inclure au RIFSEEP certains grades d’agents. Si FO n’avait pas été vigilant, le cas des ATSEM (agents spécialisés des écoles maternelles) n’aurait pas été abordé non plus ! Alors que les agents ne sont nullement avertis de leur nouvelle situation indemnitaire, le syndicat FO a décidé d’organiser des réunions d’information.

Mobilité conseillée

Au sein du Conseil départemental de l’Ain où les personnels programment une grève le 20 janvier (date d’un comité technique) à l’appel de deux syndicats dont FO, les paramètres budgétaires, mise en place du RIFSEEP et réorganisation des services sont au cœur des discussions… et des revendications. La diminution de 50 millions en quatre ans des dotations de l’État n’est pas sans lien avec les décisions actuelles du conseil Départemental indique pour FO Rodrigue Brouilliard.

Les personnels (2 300 agents) doivent ainsi faire face à des projets de réorganisation des services (routes, social, Bâtiments, Moyens…), de privatisation des services de nettoyage et de restauration dans trois collèges. Dans le secteur social par exemple explique Rodrigue Brouilliard, la moitié des services vont disparaître. Les maisons de la solidarité qui accueillent des publics spécialisés (personnes âgées dépendantes, handicapés…) vont être ramenées de 29 à 16 sites sur le territoire départemental. Les agents de la Direction de la Solidarité sont ainsi invités à formuler deux ou trois vœux de mobilités souligne FO.

Les agents combattent aussi le plan de l’autorité départementale visant à réduire les primes en cas d’arrêt maladie et d’installer une prime au mérite. Tout cela dans le cadre de la mise en place du RIFSEEP…

Une déconstruction indemnitaire…

Le Conseil départemental a adopté une revalorisation de 30 euros net/mois des primes des agents des collèges et des routes, relevant de la catégorie C (la plus basse). Il a décidé aussi de revaloriser (75 euros brut/mois) les primes des chefs cuisiniers et des cuisiniers des collèges. Certes. Ces revalorisations sont toutefois comme l’arbre qui cache la forêt.

Le département prévoit en effet de diminuer les primes de 25% au-delà de sept jours d’absence par an pour maladie (hors hospitalisation, accident du travail et longue maladie). Cette diminution sera de 50% au-delà de 14 jours d’absence par an.

Dans le cadre du RIFSEEP encore, le Conseil prévoit aussi de pouvoir abaisser les primes des agents lorsque leur responsable indique des difficultés particulières sur leur manière de servirindique le syndicat FO des personnels du département.

Un contrat de progrès serait alors mis en place avec l’agent concerné. Pour un entretien avec l’exécutif et son responsable hiérarchique - en vue d’une possible réhabilitation - il pourra se faire accompagner par un représentant syndical. FO est atterré ce plan qui consiste notamment à instaurer une sanction financière complémentaire au statut de la fonction publique territoriale.

Le syndicat demande en revanche la revalorisation des primes de tous les agents et conteste l’instauration d’une prime au mérite, nocif à la cohésion d’équipe. Le département prévoit en effet la mise en place du CIA (facultatif) dans le cadre du RIFSEEP. Il prévient toutefois ironise FO que le versement de ce complément indemnitaire annuel basé sur la manière de servir se ferait à titre très exceptionnel.

Débrayages à répétition 

A Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis/2 500 agents), les communaux FO (majoritaire à 54%) combattent de leur côté aussi le RIFSEEP et ses modalités. Depuis le 15 décembre, date à laquelle le projet portant sur le régime indemnitaire a été passé en force par la municipalité regrette Pascal Robert, secrétaire du syndicat FO, les agents multiplient les actions de protestations.

Ils ont débrayé et organisé des rassemblements devant l’hôtel de ville ou les locaux techniques les 12, 16, 17 et 18 janvier. Un nouveau débrayage de deux heures en milieu de journée assorti d’une manifestation est prévu ce 19 janvier. Un autre suivra le 20 janvier.

Les personnels contestent notamment l’attribution du régime indemnitaire sur des critères flous. Aucune grille de lecture n’a été communiquée indique FO notant que la mise en place du RIFSEEP à Aulnay-sous-Bois se fera à budget constant et ne comportera pas le volet facultatif CIA… Les agents contestent ainsi la détérioration programmée de leurs conditions indemnitaires.

Arguant d’une lutte contre l’absentéisme, la municipalité compte en effet baisser le régime indemnitaire à partir du 11e jour d’arrêt maladie. Cette mesure était appliquée à la catégorie A dans le cadre de la prime PFR explique Pascal Robert. La municipalité profite du RIFSEEP pour étendre cette mesure à toutes les catégories de personnels. Or cela représente une perte de presque sept euros par jour pour les plus petits salaires de catégorie C.

Les agents qui redoutent par ailleurs une possible privatisation de la cuisine centrale de la ville (180 agents dont 90 titulaires) combattent aussi des mesures prises dans le cadre d’une modification du règlement intérieur. Ils s’opposent notamment à la suppression de jours de congés pour évènements familiaux.

En ce début janvier, le « dialogue social » au sein des collectivités a du plomb dans l’aile.

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