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dimanche 8 avril 2018

Harcèlement moral dans la fonction publique : l’impunité ça suffit !

 


Il est 5 heures du matin. Un dimanche matin bien triste en cette fin d’hiver en banlieue parisienne. Une neige mêlée de pluie recouvre d’un linceul blanc  les toits de tuiles rouges des pavillons en meulières et les petits jardins ouvriers. Ma chatte « Agathe » s’étire elle a fini sa nuit au chaud et d’un miaulement furtif me demande de lui ouvrir la porte. Elle s’éloigne avec grâce en dandinant laissant derrière elle sur le tapis blanc immaculé la seule trace de ses pattes. Je bois mon café habituel et machinalement en allumant mon poste de télévision,  je tombe sur l’excellente chaîne d’information « France TV info ».

L’interview du Professeur Bernard Granger, psychiatre à l'hôpital Tarnier à  Paris attire mon attention.

Il parle de harcèlement moral des agents publics hospitaliers.

J’avoue que je suis surpris car ce fléau qui frappe des milliers d’agents public est un sujet tabou malgré le nombre de ses victimes.

A mon niveau de modeste avocat de droit public de banlieue parisienne (je ne suis pas parisien contrairement à ce que l’on croit), moi qui ai énormément de mal à convaincre le juge administratif de l’imputabilité au service de la souffrance d’un agent, j’en ai encore plus quand il faut lui apporter sur un plateau d’argent la preuve irréfragable que le fonctionnaire que je défends est moralement harcelé.

En effet, le harceleur moral de circonstance (vous avez remarqué que ce ne sont pas uniquement les pervers narcissiques qui harcèlent), souvent adoubé par son brillant passage dans une grande école de la nation, drapé dans  les habits immaculés de hiérarque de la République française, bénéficie d’une présomption totale de bonne foi pour la bonne cause budgétaire  et il est très difficile pour le simple agent de catégorie C en grande souffrance, d’établir contre « vents et marées » qu’il a été harcelé dans son service, d’autant plus que le juge administratif n’utilise pratiquement jamais ses pouvoirs d’instruction qu’il tient pourtant du code de justice administrative.

Quant au pénal, (et oui le harcèlement moral est aussi un délit), les procureurs de la République ont bien d’autres priorités que de déférer et de faire instruire des procédures pour harcèlement moral au sein de l’administration.

Et pourtant, le système fait bien des victimes …

En effet, au Centre hospitalier universitaire de Grenoble (CHU), un neurochirurgien s’est suicidé.

Le médiateur missionné au lendemain de la découverte du corps du jeune praticien dans un bloc opératoire, le 2 novembre, liste une série de « défauts » de gouvernance qu’il invite à « corriger rapidement » avec l’aide d’un « solide accompagnement extérieur ».

Il souligne que « Le style de management, qui maintient de manière permanente une certaine pression sur les équipes et qui priorise le résultat [...] doit s’infléchir », pointant son orientation prononcée « vers les problématiques budgétaires ».

La direction du Centre hospitalier universitaire de Grenoble convoquée par Madame la Ministre de la santé a été simplement « priée d’humaniser son style de management ».

Non vous ne rêvez pas, un véritable harcèlement moral requalifié en  simple « défauts » de gouvernance.

Je rajouterai  mais pour la bonne cause : faire des économies budgétaires sur la masse salariale.

Comme le dit comme le dit le Professeur Granger : « les méthodes de management actuelles sont déshumanisées, car orientées sur la rentabilité et le chiffre ».

Il ajoute que « beaucoup d'agents doivent être polyvalents » et sont déplacés de service en service.

« Le harcèlement est presque une méthode de gestion pour se débarrasser de quelqu'un. Il y a récemment eu à Grenoble (Isère) des faits très graves, décrits dans un rapport officiel qui met en cause les responsables de l'hôpital. Il y a des cas de harcèlement », et les responsables ne sont pas atteints.

« En France, il y a une culture de l'impunité qui ne fait qu'entretenir le phénomène », conclut-il.

Soudain je m’interroge.

Combien faudra-t-il qu’il y ait de suicide de salariés avant que le harcèlement moral ne soit érigé en grande cause nationale ?

Je regarde par la fenêtre, de petits flocons de neige virevoltent  maintenant dans l’air.

Les voitures ont repris possession  de la rue Louis Aragon à Villejuif.

Je suis pensif.

Je pense à tous ces gens et à P… que je n’ai pas pu aider faute de preuves laissées par le harceleur présumé mais qui étaient néanmoins en très grande souffrance et qui sont définitivement brisés.

Je pense à M… que j’ai pu aider mais dont la décision judiciaire favorable obtenue après un dur combat a été finalement cassée par le Conseil d’Etat.

Je pense à ceux qui consultent tous les jours l’application « sagace » dans l’espoir d’une improbable mise au rôle rapide de leur  dossier.

Je pense à celles ou ceux qui vont venir me voir avec pour seule preuve de leur souffrance un très mince dossier dans une enveloppe froissée, brisés par la souffrance du quotidien, en pleurs, accompagné d’un compagnon d’infortune ou d’un conjoint compatissant, avec  le secret espoir d’une solution judiciaire.

Je vais les écouter, les comprendre les réconforter, les conseiller, les assister, faire des mémoires, produire des attestations, des expertises médicales … en espérant que si leur administration était jugée responsable de harcèlement moral, elle ne soit pas simplement « priée d’humaniser son style de management ».

Je pensais être utile.

Mais je rêve peut-être tout éveillé…

En tout cas je suis bien triste… comme le temps qu’il fait dehors.

Demain sera un autre jour.

Article de : 

Jurisconsulte.net 

Cabinets d’avocats André Icard

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